mardi 29 décembre 2009

LE NOUCHI

Le « NOUCHI » brise les barrières linguistiques en Côte d’Ivoire.

Si vous visitez Abidjan, vous aurez certainement l’occasion d’entendre des gens parler le « NOUCHI ». Fruit de l’imagination et de la créativité de la jeunesse ivoirienne, le « NOUCHI » a été créé pour briser les barrières linguistiques entre des personnes issues des 60 groupes ethniques du pays. Ce langage, considéré comme étant l’argot de Côte d’Ivoire, tire ses origines des rues d’Abidjan. Le mot « NOUCHI » a été créé vers les années 1980, dans les salles de cinéma où les jeunes élèves, commerçants, manœuvres ou chauffeurs se retrouvaient lors des projections quotidiennes de films western. « NOU », en malinké, signifie « le nez », tandis que « CHI » veut dire poil. Cela donne en un mot, « poil de nez » donc « moustache » pour designer le méchant, à qui tout le monde voulait ressembler. Un « NOUCHI », c’est un homme fort, craint de tous et qui n’a peur de rien ni de personne.
Le « NOUCHI » est assez simple à apprendre. Fortement basé sur le français, il utilise des mots anglais et espagnols, insérés par les élèves, avec des mots issus de presque toutes les ethnies parlées en Côte d’Ivoire. On doit cependant noter une forte dominance du Malinké et du Baoulé, ethnies les plus utilisées sur les marchés et les places populaires. A la faveur de la Saint Valentin, un jeune ivoirien pourrait déclarer sa flamme en disant : « Tu m’enjailles ! » (Je t’aime ou Tu me plais). Le verbe « Enjailler » vient du verbe anglais « To enjoy ». Quand vous voulez dire à quelqu’un qu’il ne connaît rien, vous le traiterez de « Gaou ». Cet adjectif, très employé à Abidjan, vient de l’espagnol « Gaucho » qui veut dire « paysan ». Magic Systeme nous cite à ce propos un proverbe maintenant célèbre dans le monde entier : premier gaou n’est pas gaou ! On dira « YA FOHI ! » pour dire « pas de problème » ou « tout va bien ». « FOHI » en Malinké signifie « rien ». Il n’y a rien, il n’y a pas de problème. Donc YA FOHI !
Le « NOUCHI » a aussi la particularité de varier selon les milieux et d’evoluer très vite, en s’inspirant de l’actualité. On se souvient du coup de tête de Zidane à Materazzi lors de la finale du mondial de Football. Aujourd’hui à Abidjan, on peut dire « un Zidane » pour exprimer le coup de tête et le verbe « Materazzi » pour dire « provoquer » : Mon frère de sang (ami) a zidane le gaou qui a materazzi sa petini go (petite amie).
Bien que combattu par certaines personnes qui l’assimilent au banditisme, à la drogue et à la délinquance, le « NOUCHI » est devenu aujourd’hui une langue, une façon de vivre qui identifie le jeune vivant en Côte d’Ivoire. Venez donc faire un tour dans les rues chaudes d’Adjamé, de Treichville et d’Abobo*. Vous pourriez y exercer votre « NOUCHI » avant d’aller vous « enjailler » dans les maquis de Yopougon. YA FOHI !

*Adjamé, Treichville, Abobo, Yopougon sont des communes de la ville d’Abidjan

This article is about « NOUCHI », a language created and spoken by the Ivorian youth. Born in movie theatres in Abidjan in the 80s, it mixes French, English, Spanish and local languages to create complex and communicative sentences. “NOUCHI”, as most languages, evolves and varies from an environment to another with different accents and vocabulary words. Although fought by some people, it became a full language and even a lifestyle in Côte d’Ivoire. Next time you come to Abidjan, bring a copybook and get ready to learn “NOUCHI”. YA FOHI!

Ba Coulibaly, Côte d’Ivoire

samedi 24 octobre 2009

LE SECRET DU ROND POINT D’ABOBO-GARE

Si vous êtes passé au moins une fois par le rond-point en face de la mairie d’Abobo entre six heures et midi, alors vous faites parti de ceux qui se demandent ce que font tous ces hommes debout au bord de l’autoroute.
Je me suis aussi inquiété la première fois que j’ai eu affaire à cette foule à la fois douteuse et « bizarre ». Apres à peu près une vingtaine d’années de vie à Port-Bouët, ma famille aménageait à Abobo. Abobo ! Commune qui à l’unanimité joui de la plus grande appréhension à Abidjan. La mienne (l’appréhension, bien sur !) a atteint son paroxysme quand j’ai croisé le regard mon ami, qui l’iris démesurément dilaté venait d’appendre la nouvelle du déménagement : « Mon Dieu ! Tu vas vivre à Abobo LA GUERRE !?! ».
Je ne vous laisse donc pas imaginer ce que j’ai ressenti quand j’ai vu ces hommes (avec quelque femmes nettement mais tout juste moins effrayantes) tous (…enfin, presque) avec des cigarettes dans la bouche, regroupés sur toute l’étendue du rond-point sous un soleil de plomb. Ils avaient tous en commun cet air patibulaire qui vous fait vérifier si vous avez toujours votre téléphone portable et votre portefeuille (vote bédou !!!).
Eh bien, il m’a fallut vivre un an ou deux à Abobo pour comprendre (plutôt croire, car je le savais déjà après un mois) que c’était des chauffeurs et apprentis des fameux « GBAKAS » qui se relayaient à cet endroit. Ce rond-point est donc une sorte de check-point où vous apercevrez, si vous arrivez à vaincre votre peur et vos préjugés, des apprentis courir et rattraper une portière en pleine course. Magnifique !
La prochaine fois que vous passerez par là, vérifiez bien que vous n’avez pas de monnaie à retirer avec l’apprenti de votre Gbaka, car ils n’ont ou ne se donne pas (de façon préméditée) le temps de faire les comptes avec celui qui les remplace ! Le nouveau pourrait vous dire (à votre détriment bien sur) quelque chose du genre « Mon vié, faut damer, il a fraya avec ton jeton ! Il a mis dans ta gorge ! ».
Ba Coulibaly, l’Abobolais.